On parle beaucoup depuis quelques temps des émoticônes (présentation d’Emily Groves au Semiofest Paris, articles dans Influencia, l’Express,…). Rentrées dans nos mœurs digitales, les marques se les sont réappropriées pour des raisons que l’on comprend aisément.
Signes du temps_emoticons
« Une émoticône est une courte figuration symbolique d’une émotion, d’un état d’esprit, d’un ressenti. Mais aussi d’une ambiance ou d’une intensité, utilisée dans un discours écrit ». L’usage de l’émoticône permet donc de ramener de la proximité. En créant un langage spécifique avec le consommateur et en cette période, où l’on cherche à véhiculer de l’optimisme, quoi de mieux qu’un smiley :).
L’émoticône et plus généralement la forme pictogramme permettent également de véhiculer un discours de simplicité et d’accessibilité. Il suffit de se rendre sur les sites internet de compagnies low cost comme Interrent ou Ouigo pour s’en rendre compte.
Interrent Ouigo
Même si des variantes existent selon les pays, l’émoticône et les langages pictos parlent à tous. Ils présentent donc un avantage non négligeable à l’heure de la mondialisation réelle et digitale.
De là à en faire un langage universel, il n’y avait qu’un pas, que Xu Bing, artiste Chinois a franchi. En créant un livre à partir d’un langage « universel » commun à de nombreuses cultures et constitué exclusivement d’émoticônes, de symboles, de logos, d’emblèmes et…de ponctuation (ouf, diront certains à la vue de ces signes conventionnels qui viennent rythmer le paysage d’images).
Le livre, paru aux Editions Grasset et intitulé simplement « une histoire sans mots » en français (mais « book from the ground » en anglais et 地书 en chinois), raconte (il y a donc une narration, un enchainement de faits) une journée de la vie d’un Monsieur noir.
Ce qui frappe, d’abord avec ce roman, c’est que, bien qu’écrit par un chinois, il peut être lu par un français sans traduction préalable. Certes, certains trouveront l’histoire un peu simple. Certes, il faudra faire un peu d’efforts de déchiffrage et de mémorisation qui vous rappelleront vos balbutiements en lecture en CP. Mais il s’agit néanmoins d’un langage commun que l’on s’approprie progressivement et qui laisse ensuite place à l’imagination comme dans un roman « alphabétique ».
Ensuite, les logos des marques mondiales constituent une part non négligeable de ce livre sans mots. Apres le court-métrage Logorama, c’est donc une nouvelle preuve que les marques font partie de notre langage international. Mais au-delà des logos, c’est tout l’univers visuel que nous créons au quotidien. Notamment à travers la signalétique et le design en général qui rejaillit ici. Preuve que le design est langage.
Il est enfin intéressant qu’un artiste chinois soit à l’initiative de ce livre. Car elle crée un parallèle avec la langue chinoise. Nos langues occidentales sont par définition arbitraires, conventionnelles. En dehors des onomatopées, il n’y a pas comme le définissait Pierce dans sa définition des signes de relation entre l’objet que l’on nomme et le mot lui-même. La langue écrite chinoise quant à elle, s’est construite à l’origine à partir de de pictogrammes. C’est-à-dire de dessins où le graphique primitif est une représentation directe de quelque chose. Il y avait donc une relation de ressemblance entre le caractère et son objet, comme dans l’histoire sans mots. Aujourd’hui la langue a évolué et s’est complexifié. On considère qu’environ 1500-2000 caractères (idéogrammes, pictogrammes,…) couvrent 95% des usages courants mais le nombre total est bien supérieur. Ce qui prouve qu’un langage initialement imagé peut s’avérer très riche.
Chinese characters
Est-ce à dire que le langage visuel va supplanter nos mots ? Il semble que nous n’ayons jamais tant écrit depuis quelques années. Et avec Google ayant choisi Alphabet comme nom pour sa nouvelle holding (lire notre article sur l’architecture de marque de Google ICI), on peut considérer que les lettres ont encore un bel avenir !