Dans le naming de marque, lorsqu’on parle de nomenclatures, la première chose qui vient à l’esprit est une combinaison complexe de mots et de lettres, créée par des experts pour des experts. Ils sont les seuls capables de décoder les catégories de produit, les attributs ou les caractéristiques qui se cachent derrière.
La nomenclature complexe de Facom qui dénote les spécifications produits.
Vous pourriez avoir cette impression en achetant par exemple une imprimante. Quelle est la différence entre la Canon PIXMA TS8051 et la Canon PIXMA MG2550S ? Cette impression peut tourner au cauchemar lorsque vous voulez acheter des cartouches d’encre et que vous réalisez que vous devez connaître ces codes alphanumériques par cœur.
Mais si vous regardez de près, vous verrez qu’il existe une nomenclature. Elle est définie comme un système de noms, de termes et de règles préétablies pour créer ces noms. Ce qui fonctionne de manière logique et efficace. Par exemple, les deux imprimantes EPSON XP-540 et EPSON WF 3620, expriment leurs caractéristiques, avec XP pour EXPERIENCE et WF pour WORKFORCE, qui sont plus simples à retenir.
Quand on parle de nomenclature forte et puissante, le tableau périodique des éléments de Mendeleïev est un bon exemple. Ce dernier structure, classe, informe, mais surtout, crée un langage fort et unique (dans ce cas-là, fait d’une ou deux lettres, la seconde étant toujours en minuscule).
Le tableau périodique est une nomenclature universellement reconnue, qui réunit des combinaisons alphanumériques.
En regardant ce qui se passe dans l’univers des peintures, on observe qu’une nomenclature n’est pas nécessairement une combinaison alpha-numérique. La marque britannique Farrow & Ball présente par exemple sa gamme de couleurs avec des mots et des expressions anglaises. Ces dernières combinent une description de couleur avec une touche émotionnelle : Oval Room Blue, Skylight, etc.
La gamme de couleurs Farrow & Ball, qui met l’accent sur l’émotion.
Les nomenclatures en cinq tendances dans le naming de marque
Depuis quelques années, les questionnements sur les stratégies nominales et les besoins de (re)définir une nomenclature pour les marques ont augmenté, et ce en raison de cinq facteurs principaux :
1. Le consommateur au centre des démarches
Le consommateur est plus que jamais au centre des attentions. De nombreuses marques qui avaient développé des nomenclatures en fonction des caractéristiques produits – parfois issues directement de la technologie/production – ré explorent leur système dans une perspective plus « user-centric ». Par exemple, dans l’industrie du bâtiment : Saint-Gobain Glass a lancé récemment des produits avec des noms plus évocateurs (SGG Timeless). Ces derniers diffèrent de la génération précédente, plus descriptive et alpha-numérique (Planitherm XN).
Dans ce cas, la question du changement doit être posée. Doit-on accepter la cohabitation de différentes générations de noms ou doit-on remettre à plat la nomenclature, revoir entièrement le système, et changer les noms des piliers historiques ?
2. Augmentation du nombre de références pour une même base de produit
La customisation, recherche de personnalisation, est plus importante que jamais. Par conséquent, beaucoup d’options et de variations s’offrent à nous, selon différents critères. Cela peut conduire à une longue série de noms, comme par exemple dans l’industrie automobile (The Minicooper Countryman All4) ou des problématiques de différenciations au sein d’une même gamme.
Il existe donc un besoin de classer, clarifier, organiser autour de critères de multi-entrée à définir en fonction des objectifs de marque. Mais aussi d’organiser l’offre : le niveau de gamme (IBIS BUDGET, IBIS STYLE), le type de finition, l’expérience sensorielle, les besoins clients…
3. La course à la nouveauté et au renouvellement
Dans beaucoup d’industries, l’innovation permet de maintenir le leadership et soutenir la fidélité des consommateurs. Cet esprit compétitif encourage les industries à rester dynamiques, agiles, et connectées à leur cible client. Elles vont ainsi renouveler régulièrement leurs gammes et offres. Leur défi est de trouver un moyen pour rendre ces innovations visibles.
Dans l’industrie automobile, la tendance est à la simplicité, la nouvelle génération étant soulignée par l’ajout de l’adjectif « nouveau » : on peut lire « le nouveau Scénic » sur le site internet de Renault.
Avec l’iPhone, Apple a transformé son programme d’innovation en une nomenclature claire et identifiable. Les consommateurs sont capables d’identifier et de classer les différentes générations d’iPhone : iPhone 5, iPhone 6, etc., avec des fonctionnalités toujours nouvelles ou améliorées (processeurs plus rapides, etc.)
La question qui se pose est donc celle de la stratégie de naming à adopter pour les innovations/générations futures.
4. La complexité de l’expérience produit
Avec la fin des frontières traditionnelles entre les secteurs économiques générée par la transformation digitale et le boom des services, l’expérience consommateur d’un produit est plus complexe et multidimensionnelle.
En prenant encore une fois l’exemple de l’iPhone, Apple, en utilisant systématiquement la lettre -i comme préfixe à chaque début de nom de produit, crée un lien entre le matériel et le logiciel et construit un lien symbiotique qui résonne simplement tout au long de l’expérience client : de l’iPhone à iOS 10, à iTunes et à l’iPad.
Les marques doivent donc guider leur client et l’aider à naviguer sans problèmes tout au long de son parcours en posant des repères et créant des fils conducteurs simples, notamment à l’aide du naming de marque.
5. Le besoin de rassembler des offres différentes et variées
Avec un marché toujours plus global, et de nombreuses fusions et acquisitions, les marques cherchent à rationaliser leur portefeuille en créant un système lisible, simple et cohérent à travers un nombre limité de noms.
Souvent soutenue par les services juridiques, cette stratégie de recentrage autour d’un nombre restreint de noms valorise la marque-mère et permet de créer une cohérence forte à travers les offres. Mais elle soulève souvent des questions au niveau local, ou au niveau des offres qui recherchent une différenciation forte.
À travers ces tendances
On peut voir que les marques aujourd’hui sont confrontées à de nouveaux enjeux que l’on peut résumer à travers à trois tensions :
- Comment les marques peuvent-elles parler de technologie, d’innovation et d’expertise TOUT EN étant proches de leurs clients avec des noms faciles et accessibles ?
- Comment les marques peuvent-elles être homogènes et mondiales pour montrer leur leadership ET différencier des centaines de produits facilement ?
- Comment les marques peuvent-elles trouver un système de naming clair, simple et stable ET être assez souple pour mettre l’accent sur l’innovation et montrer de l’activité ?
La résolution de ces tensions sera propre à chacune des marques. Cela montre clairement que créer une nomenclature est le résultat de choix et d’équilibre à trouver.
Comment se construit une nomenclature ?
Une nomenclature se définit à partir de la stratégie de marque globale et l’architecture de marque. Elle est aussi influencée par a. le marché b. l’univers concurrentiel c. les cibles, d. les offres, e. « le monde » (la recherche de best practices, de ce qui se fait dans d’autres catégories est toujours une partie intéressante à explorer).
Très souvent, on compose une nomenclature de deux parties interdépendantes. Nous avons le cadre global (la structure, le socle) et le système de navigation.
Le cadre global
Le cadre global donne la base et les fondations. C’est l’esprit transversal des offres, le point commun qui guide le parcours client à travers les offres. La cadre global définit les règles générales – comme la forme générale des noms – et crée une tonalité d’ensemble, en fonction de la stratégie de marque.
Ce cadre global peut par exemple établir la typologie de noms utilisés (combinaison alphanumérique, mots arbitraires, termes existants, etc.), le langage utilisé (noms anglais uniquement, langage quotidien…) ou la personnalité (ton systématiquement joyeux, création de proximité ou au contraire sentiment de référent).
La question de l’équilibre entre technologie, innovation et expertise et la proximité du client est clé à cette étape. Par exemple, si la marque définit la simplicité comme valeur principale, quelles sont les implications pour la nomenclature à définir ? Et notamment lorsque l’offre est multiple et sans cesse renouvelée ?
Par exemple, Audi nomme ses modèles avec une combinaison alphanumérique courte et simple, qui crée un sentiment de technologie, d’ordre et de simplicité.
Nomenclature des voitures Audi qui met l’accent sur la technologie, l’ordre et la simplicité.
Système de navigation
Une fois que le cadre global est défini, le système de navigation doit être créé. Le système de navigation est influencé par l’architecture de marque qui a établi, d’un point de vue théorique, le rôle et la relation des marques aux niveaux différents. Il s’agit alors de l’incarner verbalement en incluant également le parcours client à travers les différentes offres et l’évolution de ce parcours à travers le temps.
En fonction de la stratégie adoptée, l’intensité du fil conducteur qui guide les clients et les aide à naviguer à travers les offres peut varier de fort à faible.
Nous pouvons définir ainsi trois approches de nomenclatures principales, qui peuvent être créées en utilisant tous les aspects du naming : phonétique, sémantique, structure et personnalité de marque.
Trois approches pour les systèmes de naming de marque
Approche 1 : Ecosystème centralisé – navigation dirigée
La nomenclature Schneider Electric répète « Modicon » pour chaque offre, et appuie sur la cohérence de la marque.
Pour des produits et services différents, on ajoute des suffixes qui décrivent des activités, des cibles, ou des modes d’utilisation. Les suffixes ont tendance à rester dans l’ombre de la marque mère. Avec le temps, et l’ajout continu de nouvelles offres, cette stratégie finit par créer des « noms sandwiches ». Et ces derniers accumulent suffixes et descriptions. Ce système aide à construire des noms de marques forts, mais on peut voir cela comme rigide et répétitif au fil du temps.
Doliprane, une marque d’analgésique très connue en France, a développé des offres différentes autour de différents symptômes comme le rhume ou l’état grippal. Au lieu de répéter Doliprane pour chaque offre, la marque a développé des noms basés sur le préfixe Doli.
La nomenclature de Doliprane utilise le préfixe Doli pour chaque produit.
L’utilité de la répétition du préfixe apporte plus de souplesse à l’écosystème de naming de marque. Notamment en maintenant de la cohérence entre les différents produits.
Approche 2 : Relation symbiotique – navigation guidée
Avec cette stratégie, les offres ont des noms spécifiques qui reflètent leurs attributs et leurs bénéfices mais les noms partagent quelque chose de commun qui les rassemble :
- Une lettre. Par exemple, Renault utilise la lettre Z pour toutes les voitures électriques : Kangoo Z.E, Twizy, Zoe, Z.E Box. Nous avons vu également précédemment qu’Apple utilise la lettre i en préfixe de ses produits et services.
- Un signe graphique. Lancôme utilise un accent circonflexe pour plusieurs de ses produits, comme le Poême et le Hypnôse.
- Une structure commune. Dans notre exemple d’Audi ci-dessus, la répétition de la même structure nous permet de reconnaître le lien entre la marque et ses différentes offres.
Ainsi, le consommateur choisit naturellement sa clé d’entrée et suit les différents chemins pour naviguer à travers les gammes de produits.
Avec cette approche, le degré d’uniformité est moins fort que dans l’écosystème centralisé, mais la diversité est plus visible. L’impression globale est moins organisée mais plus vive et animée.
Approche 3 : Esprit de famille – navigation libre
Comme les membres de la même famille, les liens et les ressemblances entre les noms et par conséquent les offres peuvent ne pas être visibles à première vue, pourtant, ils parlent la même langue, partagent le même esprit et des valeurs communes. Le lien est donc subtil et perçu par le subconscient plutôt qu’exprimé directement.
On peut créer un lien invisible à travers :
- La même approche en terme de message, comme l’expression systématique du bénéfice du produit.
- Une famille sémantique, comme les villes espagnoles avec Seat (Ibiza, Toledo, etc.).
- Une structure commune, comme la combinaison de deux mots existants.
- Une ressemblance phonétique, comme l’utilisation systématique de noms à consonances technologiques.
Finalement, on peut combiner plusieurs de ces solution pour offrir une personnalité de marque complète à travers la nomenclature, ce que fait par exemple Nespresso : tous les noms expriment des expériences sensorielles et des émotions à travers leurs phonétiques et leurs significations.
La nomenclature de Nespresso exprime des expériences sensorielles. Même si les liens entre les différents produits semblent être très subtils, ils servent la marque. On peut aussi noter qu’ils se nourrissent les uns les autres.
Cette stratégie permet à chaque produit d’exister indépendamment des autres et de valoriser la diversité. L’uniformité est invisible. Il n’y a pas de point d’entrée spécifique. Mais plutôt un sentiment général qui met l’accent sur la diversité des expériences.
Conclusion : Anticiper les futures offres
De ces trois stratégies, nous voyons clairement qu’un équilibre doit être trouvé entre homogénéité, cohérence, structure et diversité. Sans oublier l’hétérogénéité et l’animation. Nous voyons également que cette stratégie dépend du rôle que la marque souhaite prendre dans le parcours client. C’est à dire: dirigé, guidé ou libre.
Enfin, quelle que soit la stratégie adoptée, la nomenclature doit anticiper les offres futures. Au-delà de structurer et classifier, elle doit donc rester souple en prenant en compte tous les aspects du naming de marque (légal, linguistique, etc.).