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Naming : les mots de la gen Z – partie 2

Je et les autres – quand les mots révèlent des manières d’être

L’agence de branding et naming Labbrand a lancé cette année VOCALIZ, le concours étudiant de création de mots nouveaux. Le concours a recueilli cinquante propositions de participants âgés de 18 à 23 ans, issus d’une quinzaine d’écoles. Les équipes des départements Naming et Études de l’agence Labbrand ont analysé l’intégralité des participations – les mots de la gen Z – afin de mieux comprendre les enjeux qu’ils ont mis en avant.

Nous avons découvert dans la première partie de notre analyse les néologismes qui reflètent le regard critique de la gen Z sur le monde actuel. Ici, une nouvelle série de mots émerge, capturant les nuances de la vie moderne et de leur vision des « autres ». Ces termes révèlent des aspects intrigants de la psyché étudiante et peignent une fresque de leurs expériences et perceptions.  

Comme pour le rapport à la société, on retrouve le besoin de verbaliser, concrétiser des émotions et comportements, pour les sanctionner ou les rendre réels en les nommant.  Néanmoins, le ton est ici plus quotidien, plus imagé.

Mots de la gen Z : analyse naming par l'agence Labbrand

Défis de l’individualité

Les jeunes ont créé des mots pour illustrer leurs sentiments dans cette phase particulière de leurs vies. Ils illustrent notamment leur rapport aux autres. Leurs inventions décrivent des émotions, des sensations et posent les défis de l’individualité.

  • Solitunuit (Pauline) décrit la nouvelle sensation de solitude ressentie par les étudiants qui apprennent à vivre en dehors du foyer familial. « Pour certains d’entre nous qui commencent la vie étudiante loin de notre famille, tard la nuit survient ce moment de solitude, ce moment où notre famille nous manque (…). Il s’agit désormais de trouver la motivation de se faire à manger ou d’étudier pour s’assurer un futur ». 
  • Fourmité (Zaïneb) désigne la « sensation de n’être qu’une personne minuscule et insignifiante perdue dans une foule immense ».
  • Flipflap (Marie-Janaïne) : être flipflap signifie « être mal à l’aise par rapport à une situation ou une personne. »
  • Vixéique (Juliann) parle du sentiment amoureux qui se révèle parfois douloureux. « Il arrive que nous tombions éperdument amoureux d’une personne, mais il s’avère que cette personne va finalement être la source de tous nos maux. Pour autant, il nous sera impossible de nous en détacher car l’idéalisation même de notre relation avec cette personne nous rend aveugle et nous empêche de l’oublier. »  
On trouve donc d’un côté ces constats et sentiments difficiles autour d’un univers sémantique souvent sombres. De l’autre, on trouve des mots pour relever les défis du quotidien de manière positive et énergique.

Vaincaddict (Lou-Anne) désigne une personne qui a réussi à vaincre son addiction. « C’est un vaincaddict, peut être qu’un jour j’arriverai à faire comme lui, en tout cas j’y travaille. » Le néologisme donne de l’espoir et met en avant la possibilité de devenir un modèle pour l’autre. Slaynergie (Louise) parle de cette « énergie qu’on a après avoir réussi ou accompli un objectif. C’est l’énergie qu’il faut avoir pour réussir dans ce qu’on entreprend. » Enfin, le sourirêve (Maria) vient de la joie de s’abandonner à une rêverie : « un sourire en rêvant à quelque chose de merveilleux et inspirant ! »

Critique des comportements sociaux et des dynamiques

Le concours a aussi permis de nommer les comportements négatifs des autres. Des créations telles que « bevardian » ou « andreïatopisme » révèlent la puissance des jeunes à décortiquer les comportements et à nommer les aspects moins reluisants de l’interaction humaine. Comme le disent certains, « il n’y a pas de mot pour dire que tu ne supportes pas une personne de manière polie et respectable ».

Ces néologismes ne se contentent pas de nommer ces comportements. Ils révèlent aussi la profondeur de la réflexion critique des jeunes sur les dynamiques sociales.
  • Bevardian (Eva) identifie le « besoin incontrôlé de connaitre les moindres détails de la vie d’autrui. »
  • Andreïatopisme (Adam) est issu de la « contraction des mots de grec ancien qui définissent le courage « ἀνδρεία » (andreía) et l’absurdité « ἀτόπος » (atopos). Il définit une personne faisant preuve d’un aplomb excessif. D’effronterie de toupet, d’hardiesse ou d’audace à un point qui en devient ridicule ou qui laisse sans voix. »
  • Chauver (Marie) désigne une situation très particulière : « une personne chauve lorsqu’elle ne réussit pas à réaliser / trouve un moyen beaucoup plus compliqué de réaliser une tâche très simple. Cela peut aussi désigner une réflexion débile du type expliciter quelque chose. »
  • Sheldrier (Renault) : « fait de justifier de manière structurée (intro, développement, conclusion) tous les propos dits, que ce soit en public ou en privé dans une conversation normale. »
  • Dandidodo (Nesathasan) est une image intéressante. « Quelqu’un qui danse comme un dormeur avec des mouvements bien lents sur la piste de danse. »

Ces termes posent un regard souvent impersonnel, agacé sur « une personne qui », « quelqu’un qui » – ses façons d’être, d’agir, de penser. Ils reflètent une génération attentive aux nuances, consciente des pièges de la stigmatisation, de l’intrusion, et des excès d’assurance. 

Mes amis, mes bonheurs

En parallèle, au sein des créations des étudiants, une tendance émerge. Il s’agit là de sacraliser les expériences humaines, qu’elles soient amoureuses, amicales, ou simplement agréables. Les mots « voisamis », « beignefication » et « détaupiner » se présentent alors comme des témoignages linguistiques. Ils viennent d’une génération qui cherche à donner une dimension particulière à ses relations. 

Les néologismes sont des mains tendues vers les autres. Ils représentent de manières de se rapprocher, de sortir de terre et de souligner le pouvoir de transformation (ifier, dé-).

  • Beignefication (Leila) : « J’ai remarqué que les beignets étaient vecteurs du bonheur, quand on en passe un à quelqu’un tout de suite la personne s’illumine c’est une forme de socialisation passive qui permet en même temps de laisser bonne impression et de redonner la joie de vivre. »
  • Détaupiner (Leyla) : « Détaupiner est inspiré de l’animal « Taupe ». Il signifie faire sortir quelqu’un de ses « galeries », c’est à dire le faire sortir de toutes ses pensées confuses, sombres et négatives. Il peut également s’utiliser en adjectif. »
  • Voisamis (Lou-Anne) : « Dans ce monde où beaucoup vivent sans avoir de contacts avec les gens à proximité, ce mot convient pour ceux qui sont voisins et qui, petit à petit, sont devenus très proches : c’est à dire amis ! »

Représenter la vie quotidienne

Enfin, certains mots présentent la vie de manière simple. Ils acceptent le moment présent pour ce qu’il est, de manière presque enfantine. Ils en réconcilient alors les aspects positifs et négatifs avec légèreté.

  • Cloffer (Anna) : « Prendre une pause pour prendre un café et fumer une cigarette. »
  • Courbaturire (Quentin) : « Sentiment que l’on éprouve lorsqu’un événement nous fait rire jusqu’à en ressentir des douleurs au ventre. »

Ainsi, ces néologismes étudiants sont bien plus que des mots fantaisistes. Ils révèlent une exploration profonde des expériences sociales et de la façon dont la gen Z envisage son rapport aux autres. 

Merci à Pauline, Zaïneb, Marie-Janaïne, Juliann, Lou-Anne, Louise, Maria, Eva, Adam, Marie, Renault, Nesathasan, Lola, Leila, Leyla, Lou-Ann, Anna, Quentin pour leur contribution.

Rédaction : département Naming et Études

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