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Symbolique phonétique et nom de marque : comment véhiculer une émotion à travers les sons ? 

Comprendre l’importance de la phonétique du nom de marque pour créer des émotions et donner du sens.

Explorer la phonétique des mots 

En 1929, Wolfgang Föhler, un psychologue allemand, a réalisé une expérience transnationale et translinguistique. La consigne était simple : les participants avaient devant eux deux formes abstraites, une arrondie et l’autre plus pointue, auxquels ils devaient associer les mots « bouba » et « kiki ». Ces mots n’ont aucune signification particulière. Pourtant, le mot « bouba » était systématiquement assimilé au symbole plus rond. Le mot « kiki » était attribué à la forme anguleuse, et ce quel que soit le pays.  

Les deux formes proposées pendant l’expérience 

Cette expérimentation datant d’il y a près de 100 ans est connue sous le nom de « l’effet Bouba et Kiki ». Dans les différents groupes linguistiques, bouba était décrit avec des mots phonétiquement similaires comme bulbeux ou globuleux, « blobby ». Ceux associés à Kiki étaient associé à piquant, « prickly », ou épineux, « spiky ».  

Des noms arbitraires tels que « bouba » et « kiki » provoquent donc des associations précises entre mots et formes. Pouvons-nous nous inspirer de cette étude pour ce qui est des noms de marque et de leur sonorité ?  

Le sens et le son : deux alliés complémentaires 

Le langage a longtemps été considéré comme arbitraire. À présent, on considère que le son d’un mot est intrinsèquement lié aux sens, à nos expériences et aux objets qui nous entourent. 

Prenons le mot « mère » et ses différentes prononciations autour du monde : Ma, Mutti, Mama, Maman, Mutter, Eomma, Amman, Mamotchka… Le son « ma » semble universel. Comme pour le mot « Bouba » pour prononcer le son « ma », la bouche s’ouvre en forme de rond. Elle prend la même forme lorsque nous mangeons, c’est ce qui rend le son « ma » aussi facile à prononcer pour les nouveaux nés. Tout autour du globe, ce son évoque un idéal de confort et réconfort, de protection maternelle et de douceur.  

Le symbolisme phonétique, puisque c’est son nom, est étudié internationalement. Les recherches démontrent que la plupart des langues utilisent des voyelles antérieures (comme le son « i » dans « fine ») que l’on retrouve dans des mots évoquant quelque chose de petit, comme tiny, mini, piccolo ou klein. Au contraire, on favorise les voyelles postérieures pour les mots indiquant quelque chose de plus large et conséquent : le « o » de « gros », ou le « an » de « grand ».

Le symbolisme phonétique d’un nom peut représenter une expérience sensorielle unique grâce au son émis. Elle dépend des consonnes employées, des voyelles choisies mais aussi de leur longueur (brève ou longue).

Contrôle linguistique

Nous en faisons régulièrement l’expérience lors des contrôles linguistiques des noms créés par Labbrand. Lorsque nous interrogeons les experts pour leur demander les mots clefs / associations liés aux noms inventés, des similitudes ressortent, même entre différents pays. Certaines lettres et sons vont plutôt évoquer un environnement froid, distant voire technologique. D’autres ont un imaginaire plus doux et chaleureux.  

Le symbolisme phonétique permet de tisser un lien entre le son et l’expérience sensorielle, l’émotion qui en résulte, au-delà du sens, et est à prendre en compte pour le nom de marque.  

Du son au sens

Claude Hagège, dans son livre Le Dictionnaire Amoureux des Langues, écrit : « Beaucoup de langues, mais non toutes, possèdent aussi des idéophones, ou mots qui, comme le dit ce terme, offrent une peinture sonore d’une idée, pour symboliser un état, une impression sensorielle, une manière d’être ou de se mouvoir, une action qui n’est pas nécessairement elle-même productrice d’un bruit. » D’après sa définition, la création d’un nom de marque doit profiter du pouvoir des idéophones afin d’évoquer une idée directement liée au son, laissant ainsi une vive impression d’une sensation spécifique, d’une perception sensorielle marquante grâce à la couleur, le son, l’odeur, l’intensité…  

Exemple : Kadjar, Renault

Le nom Kadjar de Renault est un bon exemple d’idéophone. Le nom de ce SUV, imaginé par Labbrand, se compose de sons brefs, répétitifs et frappants qui obligent à ouvrir et fermer la bouche rapidement. Les consonnes dans le mot Kadjar vont exprimer l’idée d’accélération alors que les voyelles vont refléter une impression d’espace, traduisant à la fois la vitesse et la taille du véhicule.  La phonétique du nom de marque permet ainsi de transmettre les attributs du véhicule.

Renault Kadjar 

Le son n’est pas le seul facteur à modeler la perception du sens. C’est un alliage complexe de détails subtils comme le rythme, la longueur du mot mais aussi le degré de familiarité.  Par exemple, les voitures citadines compactes ont des noms courts, souvent monosyllabes. Ils vont donner cette impression de voitures petites et faciles à prendre en main : Suzuki Swift, Seat Mii, Volkswagen Up !, Ford Ka+… Des noms compacts pour des voitures compactes ! 

La Subaru BRZ est un autre exemple intéressant. Ces trois lettres font habilement référence à la brise. Ils donnent ainsi l’impression de se promener dans une voiture de sport rapide et maniable.  

Le son, le rythme, la longueur des mots ainsi que l’origine d’un nom de marque communiquent des informations subtiles sur les qualités du produit, comme la forme, la taille, la finesse ou la proximité. Même lorsqu’un nom semble arbitraire, il est toujours significatif en plus d’être essentiel pour la bonne perception de la marque par les consommateurs.  

Le nom joue donc un rôle crucial dans la performance de la marque en suscitant l’émotion chez les consommateurs. Cependant, le naming des sons va permettre d’approfondir notre façon de communiquer avec les marques, à travers des expériences sensorielles uniques.  

Phonétique du nom de marque : les exemples de Honda Jazz, Suzuki Swift, VW Up! et Subaru BRZ

Quelques conseils pour créer un nom phonétique

  1. Explorer l’imaginaire de la marque, l’expérience qu’elle renvoie en utilisant les sens. Si la marque était une lettre, un son, une odeur, une forme, une note de musique, elle serait… 
  1. Utiliser des paires d’oxymores pour définir l’expérience plus précisément. Les oppositions doivent dépendre du brief et du contexte. Les plus communs sont longueur/concision, simultané/consécutif, proximité/distance, petit/grand, ouvert/fermé, haut/bas, masculin/féminin, rond/pointu, clair/obscur.  
  1. Attention aux raccourcis ! Une lettre ne suffit pas pour transmettre une émotion. C’est l’association de voyelles et consonnes avec un rythme spécifique et la bonne longueur qui créeront le meilleur nom possible.  

L’approche « bouba et kiki » est souvent utilisé en naming pour créer un nom unique, révélateur de l’univers de la marque. Accorder une attention méticuleuse à la combinaison, à la longueur, au rythme et à la sonorité des lettres et mots fait obtenir une plus grande richesse et une plus grande texture de sens. En s’appuyant sur des tests sensoriels qui ont fait leurs preuves dans le monde entier, un nom de marque attentif à la phonétique va éveiller les sens de tous ceux qui le rencontrent. 

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