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Partir pour mieux revenir?

Contrairement à d’autres pays, en France l’échec ne se voit pas bien. Par exemple, aux Etats-Unis, quelqu’un qui n’a pas échoué, n’a pas essayé. Pour se construire et gagner en expérience, on conseille de faire face à des revers. Beaucoup de marques étrangères s’implantent dans des nouveaux pays. Et s’attendent à y faire fortune mais l’accueil n’est pas toujours au rendez-vous. L’offre n’est pas toujours bien adaptive. Et ne colle pas à une réalité locale. La stratégie n’est pas assez forte face à celles de la concurrence… Certaines marques quittent alors le territoire et ne reviennent plus. D’autres, en revanche, prennent le temps de faire de nouvelles études. Mais aussi de sortir du rouge et préparent une nouvelle offensive payante.
 

BURGER KING

Ne faisant pas le poids face à ses deux principaux concurrents (McDonald’s et Quick). La marque détenant alors 39 restaurants annonce son départ de l’hexagone en 1997. Comme l’expliquait par la suite Georges Panayotis, PDG de la société de conseil MKG, «Burger King se fait totalement distancer… Dans ce genre d’affaires, on ne peut exister sans un réseau d’au moins 150 à 200 unités. Ce qui permet des économies d’échelle et des investissements publicitaires importants.».

Après l’ouverture de son premier restaurant sur les Champs-Elysées en 1980, Burger King n’a pas réussi à multiplier les ouvertures. Ni à suivre le rythme imposé par les deux autres acteurs. La «petite taille» et la «faible rentabilité» de la chaîne en France «ne nous permettent pas d’être compétitif. Et de faire face à la concurrence. C’eût été un non-sens économique que de conserver ces restaurants», précisait David Williams. Etant vice-président de Burger King pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.

L’échec de Burger King en France est dû à des erreurs stratégiques. Trop peu d’ouvertures sur le territoire, des ouvertures presque exclusivement sur Paris au détriment du reste du pays. Des emplacements mal choisis, une mésestimation de Quick qui n’existait pas encore aux Etats-Unis… Malgré son échec français, le « roi du burger » n’a pas baissé les bras et a continué son développement européen.

Un retour parfaitement orchestré


La nostalgie du « Whopper » était incontestable. Et depuis plusieurs années déjà les fans ne cessaient de faire des pétitions. Mais aussi de débattre sur les forums et sur la page de fan Facebook. Les rumeurs de retour circulaient régulièrement et la marque a su profiter de ce buzz. Manger chez Burger King était devenu un privilège et les adeptes se prenaient en photo à la moindre occasion. Notamment pour se vanter d’avoir droit au burger tant plébiscité. L’Eurostar, Thalys et les vols low-cost ont grandement contribué à ce phénomène. Phénomène grâce auquel, les Whoppers n’étaient plus qu’à deux heures de nous. Le manque était créé, le bouche-à-oreille efficace et l’image de la marque était plus forte que jamais.

En 2012, confortée par une présence dans 89 pays et 11 000 restaurants, la marque annonçait tambour battant son grand retour en France. Cette fois-ci la stratégie d’implantation a été adaptée. Et les erreurs du passé ont été corrigées : l’enseigne de fast-food a décidé d’ouvrir son premier restaurant. Et c’est à l’aéroport de Marseille en 2012, faisant d’une pierre deux coups en évitant de commencer par Paris et en choisissant un lieu de forte affluence. Le retour a ensuite continué avec une ouverture à Reims l’année suivante. Suivie de celle de la gare Saint Lazare à Paris. 

Les prochains enjeux ? Fidéliser durablement, continuer à attirer du monde, plus d’ouvertures dans de bons emplacements, les meilleurs étant souvent pris par McDonald’s et Quick. Cependant, ce qui a fait le succès de la marque aujourd’hui ne sera pas forcément vrai plus tard. La chaîne a su profiter des fausses rumeurs de retour mais aussi à créer le manque et cela sans budget pour sa communication, les fans ayant été les meilleurs ambassadeurs. Par ailleurs, le danger ne se limite désormais plus aux deux grands concurrents mais à la multitude de food truck et de restaurants à burger qui voient le jour un peu partout en France. Il n’y a plus qu’à espérer que l’habitude de voir des Whoppers n’efface pas le plaisir de cette madeleine de Proust.

Le diagnostic de marque de MARKS & SPENCER

En 2001, malgré l’image de marque positive véhiculée à l’époque. C’était au tour de l’enseigne anglo-saxonne de déserter les lieux de façon fulgurante. Son échec retentissant avait entrainé une stratégie de repli globale. (la marque décidait de fermer ses magasins européens et ses filiales américaines). Pour lui permettre de se refaire une santé financière et de revenir avec une meilleure stratégie. Notamment face à des concurrents plus agressifs et plus à l’écoute des tendances tels que H&M ou encore Zara. « Nous nous sommes énormément investis pour tenter de retrouver un niveau rentable en Europe occidentale. Malheureusement, compte tenu du contexte commercial difficile en Europe, le groupe n’est plus en mesure de supporter les pertes importantes ». C’est ce qu’expliquait alors le directeur général Marc Bauwens.

Quand la marque s’était implanté en France en 1975. Le secteur des produits alimentaires marchait bien et attirait toujours plus de monde. Mais au fil du temps, le secteur de l’habillement déclinait. Les modes anglaises et françaises étant bien différentes. Les collections ne pouvaient pas satisfaire tout le monde et étaient en décalage faute d’adaptation.

Aujourd’hui, Marks & Spencer a revu sa stratégie et est revenue en 2011. En investissant des emplacements de choix et en adaptant ses collections au marché français mais sans pour autant perdre son style British. Elle renouvelle ses modèles plus souvent, fait attention à sa concurrence. Utilise des égéries et revient avec son fameux segment alimentaire qui a toujours été très apprécié. Spécialités anglo-indiennes, scones, apple pies, et autres produits que l’on ne trouve pas facilement ailleurs ont toujours séduit les clients.

Une nouvelle stratégie de marque

La marque propose une gamme riche et variée et a même une gamme de produits sans gluten. Elle propose une rôtisserie, un fournil et un café, le « M&S café », un traiteur Deli. Mais sa force réside dans le lancement de ses « simply food » sur Paris pour concurrencer directement les « Daily Monop ». « Nous sommes très contents des performances en France. Nous avons les mêmes ventes au mètre carré que les meilleurs magasins en Angleterre ». C’est ce que déclare Jill Bruce, directrice du développement alimentaire à l’international.

Cette stratégie de repli aura été payante et l’enseigne a pu en tirer des enseignements. Ces dernier lui permettent un développement cohérent et dans de bonnes conditions. Elle renforce également sa stratégie digitale avec sa page Facebook France. Page qui a déjà plus de 87 000 fans. Ou encore en installant en magasins des bornes e-shop et iPad pour laisser les clients poursuivre leurs achats en ligne. Marks & Spencer doit maintenant asseoir sa marque dans le secteur de l’habillement. Notamment pour ne pas être uniquement considérée comme une marque de produits alimentaires exotiques avec quelques collections de vêtements à disposition car en 10 ans la concurrence s’est renforcée.

TACO BELL

La France n’est évidemment pas le seul pays que cela concerne, des retours se font ailleurs, comme récemment au Japon avec Taco Bell. La chaine de fast-food s’est installée sur l’archipel dans les années 1980 mais n’est restée que quelques années, les chiffres n’étant pas à la hauteur des prévisions. Certains disaient que les produits ne s’adaptent pas assez, d’autres, que les japonais n’étaient pas prêts pour ce genre de nourriture et surtout que le nom n’attirait pas. En effet, en japonais « taco » signifie « poulpe » et le poulpe est utilisé dans un plat typique appelé « takoyakis », or, pourquoi manger du poulpe venu d’ailleurs alors qu’ils en préparaient déjà eux-mêmes ?

La chaine s’est retirée mais au fil des années, les japonais ont voyagé de plus en plus et on (re)découvert cette enseigne qu’ils ne connaissaient pas si bien, faute de communication, ainsi que le plaisir du fast-food à la sauce mexicaine.

L’annonce du retour suscite des élans de joie et une fois de plus, l’ouverture est vivement accueilllie et des clients ont fait la queue la veille pour être sûrs d’être les premiers servis. La cuisine mexicaine faisant de plus en plus d’adeptes dans le monde et notamment au Japon, Taco Bell a saisi l’occasion pour revenir avec des spécialités adaptées au goût local. Le succès a été au rendez-vous et la longue file d’attente montre que le tex-mex est prêt à s’installer pour de bon. En choisissant d’ouvrir son premier restaurant dans le quartier très animé de Shibuya, le succès semble assuré et la visibilité garantie.

En conclusion


Ces exemples nous prouvent que les entreprises qui connaissent des crises et se voient obligées de partir peuvent revenir si elles changent de stratégie et apprennent de leurs erreurs passées. Cela montre également que la culture de l’échec s’accepte mieux qu’avant en France et que le retour des deux marques que l’on cite plus haut s’attend. Cette vision évolue et l’échec se voit moins négativement ; le succès ne se réserve pas qu’à l’élite et un fiasco permet de rebondir et de voir les choses différemment. Internet y est pour beaucoup avec l’étalage de déboires qui deviennent des success-story et inversement. Mais nous parlons là d’entreprises étrangères, et même si les mentalités changent, il est encore difficile d’imaginer le retour d’une société française autant s’attendre après un échec.

Quand les entreprises sont en perte de vitesse, des mesures pratiques doivent se prendre à temps, permettant d’éviter de commettre des faux pas. Un départ ne doit pas se percevoir comme un échec mais comme un retour aux sources pour revoir sa stratégie globale, adapter son offre au pays et revenir avec un plan d’attaque à long terme ; car la difficulté est aussi là : garder son identité de marque tout en respectant les différences culturelles des différents pays.

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