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Signes du Temps: oobjekooneekté (objet et produit connecté !)

Wistiki,Parrot Kolibree, Bidul, Netatmo, Bluetens, Idosens, Linkoo, Piq, Meg, Awox, Bewell, Sensorwake, Weenect, Gablys, Devial, Withings, Hydrao, Phonotonic, Holi…
Vous ne les connaissez peut-être pas tous mais ces noms ont un point commun. Ils désignent des marques de produits connectés made in France, notamment d’un point de vue du naming de marque.
Notre propos aujourd’hui n’est pas de disserter sur le produit connecté tendance à offrir ou se faire offrir pour Noël, mais plutôt de décortiquer les noms afin d’en comprendre les grandes logiques.

Un nom de marque est un acte fort car c’est la première pierre que l’on pose. La première incarnation visible d’un projet de marque. Un socle pérenne sur lequel toutes les actions de branding menées vont ensuite reposer.
Quand on crée un nom, à travers le naming de marque, la palette de possibilités est large que ce soit :
–       au niveau du fond, c’est-à-dire de ce que l’on va dire à travers le nom. Va-t-on parler de ce que l’on est, de notre secteur d’activité, de notre produit, de ses attributs, de ce qu’on apporte, de nos valeurs, de notre cible… ?
–       au niveau de la forme. C’est-à-dire comment on va le dire. Va-t-on choisir un mot existant, une expression, inventer un mot ? quelle langue allons-nous privilégier ? quelles sonorités ? quel rythme ?
Tous ces choix que nous faisons au niveau du fond et de la forme et que nous combinons vont nous permettre de créer un nom, à travers le naming de marque, porteur d’un message spécifique qui résonne auprès de notre cible et trouve sa place dans un univers concurrentiel.
Ici, nous allons fonctionner en sens inverse, on repartant de l’existant pour comprendre les choix qui ont été faits.

Pourquoi nous sommes-nous intéressés aux noms des objets connectés made in France ?

D’abord parce qu’il s’agit d’un secteur nouveau, récent, encore en construction et donc qui pose des problématiques spécifiques.
La première problématique est liée au fait que ce secteur n’ait pas de définition officielle. Appelé parfois produit communiquant, internet des objets (idO) ou Internet of Things (IoT) en anglais. L’objet connecté serait, si l’on reprend les définitions du dictionnaire de ces deux composantes une «chose solide considérée comme un tout, fabriquée par l’homme et destinée à un certain usage « qui se lie à autre chose, communique, fait passer quelque chose ».
L’absence de définition claire a des implications car elle pose la question de l’accompagnement du consommateur. En termes de naming de marque, faut-il être descriptif ? Expliciter la catégorie dans le nom ? Mettre en avant les usages du naming de marque?
Qui dit secteur nouveau, en construction dit aussi évolution. Or un nom a vocation à être pérenne, notamment en naming de marque. Comment anticiper les évolutions et ne pas enfermer le nom dans une catégorie de produits dans ce contexte ? Aujourd’hui je fabrique des porte-clés connectés mais demain ?
On retrouve d’ailleurs ces mêmes questions dans tous les secteurs liés à la transformation digitale. Mais aussi dans les secteurs liés aux mutations actuelles que ce soit dans la mobilité, le partage etc… : de quoi doit-on parler ? doit-on être descriptif ? mettre en avant le bénéfice ?
La catégorie des objets connectés soulève également des questions spécifiques liée aux types de produits. On voit en effet régulièrement dans la presse des interrogations sur la pérennité de ces produits, leur effet de mode, leur côté gadget. Dans ce contexte, quelle personnalité adopter ? Faut-il être statutaire, sérieux, technologique pour rassurer sur la pérennité. Ou au contraire être simple et accessible pour s’ancrer dans le quotidien et les habitudes ?
Ensuite les objets connectés sont intéressants parce que le made in France est tendance
On entend beaucoup parler de la French Tech et du made in France. Les start-ups et entreprises françaises dans ce contexte ne peuvent à un moment donné que se poser la question suivante : faut-il pousser le concept made in France jusqu’au bout en adoptant un nom français pour marquer sa différence ? (d’ailleurs au passage « French Tech » et « Made in France » sont en anglais…). Ou privilégier l’anglais pour anticiper des développements internationaux ou des discussions avec des investisseurs étrangers ?
 
Dans un premier temps, nous allons analyser les noms d’un point de vue du sens (notamment via le naming de marque). Quels sont les grands registres d’évocation des noms français d’objets connectés ?
Nous pouvons définir 6 familles de noms dans l’univers des objets connectés made in France.

1/ La famille « objet »

Dans cette famille, les noms cherchent d’abord à exprimer leur appartenance à la catégorie et ce, dans sa première facette concrète, réelle en s’appuyant sur l’objet.
On retrouve dans cette famille :
–       Withings (objets avec effets bénéfiques sur la santé, dont les montres connectées mais aussi des thermomètres) que l’on peut lire comme une contraction de with things, qui exprime donc ce que l’on peut faire avec les objets
–       idosens (capteurs domotiques à très longue portée) qui réutilise l’acronyme IdO (Internet des objets) auquel on ajoute la notion de sensitivité.
–       Bidul avec un registre plus familier, « une chose dont on ne sait pas précisément le nom ou que l’on ne tient pas à préciser davantage», pour des « produits technologiques accessibles à tous »

2/ La famille « connectée »

Cette famille s’appuie sur la deuxième dimension de l’objet, l’aspect connecté, communicant.
–       Linkoo, spécialiste en géolocalisation et des technologies communicantes, qui exprime le lien, le link
–       Weenect, gamme de GPS pour toute la famille, qui joue à la fois sur l’idée de connexion entre les objets mais aussi au sein de la famille « we connect »
–       et partiellement Netatmo, spécialiste des noms de produits connectés liés à la sécurité, la météo, l’énergie, et le air care, avec son préfixe net qui renvoie au réseau.

Ces deux premières familles reflètent bien les spécificités d’un secteur nouveau. Un secteur qui a besoin de s’installer en étant simple et explicite sur sa catégorie. En se ré-encrant dans la définition même de « l’objet connecté », ces noms permettent de rester ouverts sur les applications. Withings par exemple, qui a démarré par les montres connectées et se concentre aujourd’hui sur des objets liés à la santé pourrait potentiellement ouvrir de nouvelles applications dans d’autres domaines.
Par contre que ce soit sur la partie objet ou l’expression du lien, le registre sémantique est limité si l’on souhaite rester explicite. Et si dans le fond ces noms disent finalement à peu près la même chose, ce sont par les choix qui vont être faits au niveau de la forme que la personnalité et les points de différence vont se construire : utilisation de langues différentes, niveaux de langage, construction originale, doublement de lettres,…). Cette dimension sera abordée précisément dans la deuxième partie.

3/ La famille « univers d’utilisation »

Toujours ouverte sur le champ des possibles. Cette famille se projette dans un univers d’utilisation et donne des clefs quant au domaine d’application. La mission se fait plus précise et investit un lieu plus défini.

–       HOLI, « la startup qui va vous faire rêver » « Dormeurs studieux, rêveurs invétérés, nous passons tout notre temps éveillé à imaginer des solutions pour rendre vos nuits plus belles et vos réveils plus radieux ». Holi renvoie à la fois à la dimension holistique, mais aussi au jeu de mot au-lit.

–       NETATMO : spécialiste des objets connectés dans la sécurité, la météo, l’énergie, et le air care, le suffixe de NETATMO renvoie à l’idée d’atmosphère. On sent l’idée de maison, de lieu sous-jacente.
–       MEG, mind every garden est un pot de fleur intelligent connecté, qui avec l’ acronyme, renvoie à l’idée de jardin.

4/ La famille bénéfices

Evolution de la famille « univers d’utilisation », cette famille explore et met en avant les bénéfices spécifiques pour le consommateur, en valorisant le résultat de manière plus différenciée : se sentir mieux, gagner…
–       Bewell objets connectés de santé, qui ont vocation à améliorer le confort de vie des individus – be well, pour être bien
–       Ween : un thermostat qui anticipe les retours et permet de réchauffer la maison sans gaspiller et qui rappelle l’idée de gagner, to win.

5/ La famille concrète

Cette famille reste dans le domaine descriptif mais aborde de façon plus concrète les fonctionnalités de l’objet. Elle est ancrée dans la réalité précise de l’objet.
–       Sensorwake, un réveil olfactif pour se réveiller avec les sens et les odeurs
–       PIQ ; un capteur unique pour tous les sportifs, qui permet de tracker et suivre les performances en temps réel. On retrouve dans la notion de « piquer » l’idée de capter.
–       Bluetens ; cet appareil d’électrostimulation connecté est évoqué à travers la notion de « tension »
Hydrao : premier pommeau de douche intelligent, connecté et écolo renvoie directement à notion d’eau (hydra)
–       Phonotonic. Permet de se connecter à la musique dans les activités du quotidien en étant actif. On retrouve dans le nom l’idée de musique et celle d’action.
Dans cette famille, le nom exprime clairement ce que fait le produit en mettant en avant ces attributs. Cette approche apporte du sérieux, de l’efficacité, mais aussi de l’accessibilité. Il reste néanmoins lié à un type de produit, ne permettant pas d’étendre la gamme.

6/ La famille « animaux »

A la manière de Jiminy, le criquet comique qui accompagne Pinocchio dans ses aventures et qui représente sa bonne conscience, ces objets sont aussi des petits compagnons du quotidien qui revêtent des noms d’animaux. Le recours à une figure existante permet également de l’ancrer dans le réel. Mais également de l’incarner, faciliter l’appropriation et surfe sur le succès d’apple.
–       Kolibree, brosse à dents électrique et connectée, s’inscrit parfaitement dans cette logique. Petit oiseau très rapide et aux capacités étonnantes. Kolibree joue le rôle de petite conscience que la marque souhaite donner à ses objets. « Plus que des gadgets ils ont vocation à nous aider à prendre conscience que tout ce que nous faisons a un impact sur notre santé et à nous guider vers l’amélioration ».
–       Parrot,  connu pour ses drones, propose aussi toute une gamme de produits haute technologie : pots connectés, musique…Le perroquet, à la fois animal proche de l’homme mais aussi oiseau, qui résonne bien avec la promesse de la marque d’« apporter dans notre quotidien des formes de liberté ».
–       Wistiki, dérivé de Ouistiti, qui évoque le singe agile et malin mais aussi l’idée de sourire « ouistiti ». « Wistiki, c’est l’ami qui vous accompagne au quotidien en vous aidant à ne plus perdre vos affaires. »
–       Kiwi Box, borne universelle qui permet de recharger en même temps avec une seule prise jusqu’à 6 smartphones & tablettes. Il s’agit à la fois d’un animal et d’un fruit mais on retrouve la même notion de petit compagnon incarné sympathique.
Cette famille animaux s’appuie donc sur des promesses similaires : la simplicité, l’accompagnement, mais les marques se différencient par le type d’animal choisi, en explorant ses imaginaires liés et en installant durablement la marque dans un discours cohérent. Le nom d’animal n’est pas là uniquement pour être sympa, il nourrit en profondeur la marque. Le fait d’être déconnecté des produits permet de fédérer des offres larges, à l’instar de Parrot.

Au-delà de ces 6 familles, d’autres marques investissent des territoires plus uniques dans l’univers :

Devialet par exemple, qui conçoit et commercialise une gamme d’amplificateurs audio haut-de-gamme Expert. Ainsi que l’enceinte connectée Phantom a créé, à travers du naming de marque, un nom patronymique français. Ce dernier étant une référence à Guillaume Vialet (ou Viallet), sous-inspecteur des ponts et chaussées. Egalement compagnon de Diderot qui participa à l’écriture de certains articles de l’Encyclopédie Française. La marque se dit « profondément inspirée par la Philosophie des Lumières et être encouragée par le progrès scientifique qui rend l’homme meilleur ». On notera au passage que l’enceinte connectée Phantom quant à elle réinvestit l’idée de compagnon. Idée que nous avions dans la famille animaux mais de manière moins réelle.
Gablys, qui commercialise des porte-clés antivol et anti-perte connecté et des cadenas blutooth pour mac et pc, semble avec son nom évoquer la forme de l’objet.
AWOX, concepteur d’objets hybrides connectés dédiés à l’univers du Smart Home, la vidéo, l’audio et le lighting, joue sur des constructions plus arbitraires à la fois modernes et techniques.

Dans la réalité, on voit bien que plusieurs noms sont polysémiques et peuvent donc entrer dans plusieurs catégories. C’est la toute la magie d’un nom.
 
Mais au-delà de la racine sémantique, un nom se crée aussi à travers sa forme.

Quelles sont les différentes formes de noms observées dans la catégorie des objets connectés made in France ?

1er constat : A l’exception de Devialet et Bidul, et dans une moindre mesure Wistiki, le recours à l’anglais est largement majoritaire , notamment en naming de marque.
2ème constat : les noms signifiants prédominent également. On retrouve deux grandes familles de construction :
–       Les noms à la « facebook »  qui consistent à coller deux mots/racines existants : bluetens, phonotonoc, netatmo, sensorawake, idosens. Ces noms sont en général assez longs et véhiculent une idée de sérieux, de maitrise, une technologie sous jacente.
–       Les noms existants qui peuvent parfois subir quelques variations orthographiques : Bidul, Parrot, wistiki, kolibree…
3ème constat : au niveau des sonorités, on retrouve également deux grandes familles :
–       Les dynamiques, ludiques qui privilégient les constructions rythmées et les lettres w, k b, associés à des voyelles : Withings, Weenect, Linkoo, Wistiki, Kolibree, Bidul, Awox, Bewell,
–       Les sérieux : qui sont plus sophistiqués dans leur prononciation et qui s’appuient sur des sonorités plus dures (t, d, r,..) ou des lettres plus rares (y) : Gablys, Idosens, Parrot, Bluetens, Netatmo, Hydrao  Phonotonic, Devialet.
 
4ème constat : le doublement de voyelles est assez fréquent : Kolibree, Ween, Linkoo, Weenect. Ils permettent par la forme de renforcer le côté friendly, accessible.
 
En conclusion, cette analyse révèle des tendances. Mais elle montre aussi que le choix d’un nom doit avant tout reposer sur la stratégie de marque. Et enfin que ce choix doit prendre en compte les ambitions du projet. 
 


SOURCES /
Pour définir notre « corpus d’études », nous nous sommes concentrés sur 3 sites. Ces derniers identifiaient dans leurs offres les objets connectés made in France/French Tech :
–       Lick, réseau de 19 boutiques en France dédiées aux objets connectés qui possède également un site de vente en ligne lick.fr
–       Megacitiz.fr, un site e-commerce spécialisé dans le domaine des objets connectés et de l’accessoire high-tech
–       Et L’espace Objets connectés d’Orange

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